Appel à contribution
Thème central : Rivalité, coopération entre l’Occident et la Chine en Afrique centrale au 21è siècle
Argumentaire
L’Afrique n’a jamais cessé de susciter l’intérêt et d’attirer les convoitises des grandes puissances, faisant souvent le soupçon d’une nouvelle forme de colonisation sur une présence qui s’annonce comme strictement économique et marchande mais joue inévitablement sur un fond géopolitique (T. Struye de Swielande, 2011). Ce continent traine ainsi la triste réputation d’être un champ d’expression des rivalités entre puissances étrangères. Par le passé, la traite négrière et la colonisation s’étaient instituées sous la forme d’affrontement d’intérêts étrangers en Afrique. Considérée comme un « gâteau » dont chaque conquérant voulait la part du lion, l’Afrique était généralement « spectatrice » de cette ruée des puissances étrangères.
Dans certains cas, elle collaborait avec l’oppresseur au détriment de ses propres intérêts. Le mouvement de résistance, animé par quelques leaders africains, connut un échec du fait de nombreuses faiblesses qui le caractérisaient.
Dès les moments où les pays africains commencèrent à réclamer la fin de la colonisation, notamment après la Deuxième Guerre mondiale, la rivalité Est-Ouest, dans un contexte international marqué par la guerre froide, se déporta en Afrique par le biais du soutien aux mouvements de libération nationale. En effet, à la conférence d’Helsinki en 1975, le statut quo fut obtenu en Europe, enjeu central de la confrontation Est-Ouest. Dès cette période, les conflits africains (qu’on qualifiait jusque-là de « périphériques » parce que, tant des points de vue géographique qu’idéologique et politique, ils se déroulaient en marge des lieux et enjeux majeurs de l’antagonisme américano-soviétique), allaient désormais mettre en jeu une ou plusieurs données majeures entraînant les super-grands sur le continent africain : sécurité des alliés africains des grandes puissances, voies d’approvisionnement, énergie et matières premières. Le conflit angolais inaugura cet avènement direct des superpuissances en Afrique (D. Oyono, 1990 :119). Désormais, « la lutte Est-Ouest, la question de l’équilibre américano-soviétique, l’idée d’un nouveau partage englobent le Sud et situent dans cette zone leurs éléments décisifs » (P. Moreau-Defarges, 1984 :42).
La tenue de la Conférence de Bandung (du 18 au 24 avril 1955) offre à Chine l’occasion de manifester un intérêt pour l’Afrique. Allié de l’URSS dans la confrontation avec l’Occident, la République Populaire de Chine s’illustra par son soutien aux peuples contre l’impérialisme occidental. Aussi condamne-t-elle l’apartheid en Afrique australe. En 1960, lorsque intervient la rupture entre la Chine et l’URSS, Pékin cherche à infiltrer le mouvement des non-alignés, composé essentiellement de pays afro-asiatiques, afin d’y jouer un rôle prépondérant. De façon concomitante, la Chine oriente sa diplomatie africaine dans le sens d’un soutien aux peuples en lutte contre l’impérialisme occidental et l’apartheid en Afrique australe.
Le début de la décennie 1970 est marqué par un climat de détente entre la Chine et les Etats-Unis. En octobre 1971, sous la pression de Washington, Taïwan est contraint de céder son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU à la Chine Populaire. L’année suivante, en février 1972, Nixon effectue une visite diplomatique triomphale en Chine qui scelle le rapprochement sino-américain. Côté chinois, Mao entend s’allier à « l’ennemi secondaire » (les Etats-Unis) contre « l’ennemi principale » (l’URSS). Côté américain, Nixon entend diviser le monde socialiste et jouer des antagonismes entre Pékin et Moscou (E. Nguyen, 2009 :25).
L’entente sino-américaine affecta considérablement la relation sino-africaine : le « désengagement » de la Chine en Afrique (1975-1988). Il faut y ajouter comme autre élément explicatif à la modification de la politique africaine de Pékin, le décès de Mao Zedong en 1976 et la prise du pouvoir en Chine par une élite politique qui souhaiterait recentrer la Chine sur son économie (E. Nguyen, 2009 :25). Cependant, en 1989, avec les événements de Tiananmen, la Chine, en quête d’alliés dans la communauté internationale, marque à nouveau son intérêt pour l’Afrique.
En effet, en juin 1989, l’armée chinoise réprime dans le sang la contestation estudiantine. On dénombre environ 2000 victimes. La communauté internationale, notamment l’Occident, condamne fermement la répression. L’ampleur des protestations occidentales inquiète la Chine et l’oblige à chercher des soutiens afin d’éviter l’isolement sur la scène internationale. L’Afrique apparaît clairement dans cette circonstance comme l’allié idéal, car représentant plus d’un quart des votes à l’Assemblée générale des Nations unies. En même temps, Pékin réalise vite que l’Afrique peut constituer un débouché pour ses produits et une source d’approvisionnement en matières premières pour son industrie. L’Afrique n’est plus perçue en termes d’aide mais en termes d’opportunités économiques. En 1995, une nouvelle impulsion est donnée aux relations sino-africaines (E. Nguyen, 2009 :27).
Le boom de l’industrie chinoise rend ainsi très dépendante ce dragon asiatique des ressources naturelles africaines. A partir du début de la décennie 2000, l’Afrique devient un terrain d’affirmation de la puissance chinoise face aux puissances européennes et américaines. L’ « Empire du milieu » devient à nouveau l’élément perturbateur des intérêts de l’Occident et alliés sur la scène africaine. Le concept de coopération « gagnant-gagnant », le lancement de l’ambitieux projet des nouvelles routes de la soie, l’institution d’un cadre de concertation multilatérale (FOCAC), la manne financière chinoise, le « warketing » commercial des entreprises chinoises dans les secteurs des infrastructures, de l’exploitation minière, des hydrocarbures et bien d’autres encore, ne laissent le monde occidental indifférent. Des discours, des politiques, des manœuvres diverses sont élaborées par les puissances occidentales et leurs alliés, afin de stopper la fulgurante avancée de la Chine en Afrique.
Conscientes des manœuvres occidentales contre ses intérêts en Afrique, la Chine se réinvente pour consolider « son avance ». Dans pareille situation, tous les moyens sont bons et à l’allure où vont les choses, on n’est pas loin d’un « affrontement » entre la Chine et les puissances occidentales en territoires africains. Alors, quelles stratégies ces deux camps « antagonistes » déploient pour consolider leurs positions, ou évincer celles de l’autre ? L’Afrique tire-t-elle suffisamment profit de la rivalité et la coopération entre les puissances étrangères ?
L’Afrique centrale est ainsi retenue comme champ d’application du présent appel à contribution. C’est un truisme de dire que cette partie du continent est riche en ressources naturelles : produits agricoles de rente (cacao, café, coton, etc.) et plusieurs variétés de cultures vivrières y sont produites, ses côtes sont riches en ressources halieutiques, son massif forestier recèle d’immenses ressources dont la plus exploitée est le bois (Isaac Tamba et al, 2007), les ressources du sol et du sous-sol sont considérables, etc. Le contrôle de cette manne naturelle fait ainsi l’objet de convoitise et de compétition entre les grandes puissances de ce monde.
Le présent projet d’ouvrage a pour objectif de permettre aux peuples africains en général, et ceux d’Afrique centrale en particulier, de maîtriser les rouages de la rivalité entre les puissances étrangères sur le continent afin d’en tirer le maximum de profit. Les chercheurs et enseignants-chercheurs, africains ou non, intéressés par cette thématique sont donc invités à soumettre des articles originaux de fond à la rédaction dudit projet, suivant les axes non exhaustifs ci-après :
Axe 1 : Les politiques, les stratégies et les moyens d’implantation des intérêts occidentaux et chinois en Afrique centrale ;
Axe2 : La percée des investissements chinois, l’ajustement géopolitique et géoéconomique des puissances occidentales en Afrique centrale ;
Axe 3 : Les nouveaux équilibres géostratégiques en Afrique centrale ;
Axe 4 : Entente géoéconomique entre la Chine et l’Occident en Afrique centrale ;
Axe 5 : La contestation, le contournement et l’accommodement des pays d’Afrique centrale au jeu d’intérêts étrangers (Chine-Occident) ;
Axe 6 : Les voies possibles pour que l’Afrique centrale tire le maximum de profits de la rivalité entre la Chine et l’Occident.
Modalités de soumission
Les propositions (résumé et courte note biographique des auteurs) de contribution, 300 mots maximum, doivent être envoyées simultanément aux adresses suivantes : cyrilleaymardb@gmail.com, bekonocyrilleaymard@yahoo.fr, saccerdiarecaf@gmail.com, avant le 02 février 2024.
Le format des propositions de contribution est le suivant :
- Police : Times New Roman 12, interligne simple.
- Les propositions devront comporter :
- Le nom et prénom de l’auteur/des auteurs ;
- Un titre explicite centré ;
- Un résumé de 300 mots maximum ;
- 4 à 5 mots-clés ;
- Langue de rédaction : Français, Anglais ;
- Une courte biographie de l’auteur/des auteurs.
Chaque article sera examiné anonymement par deux experts et un retour sera communiqué à tous les auteurs. Quatre réponses sont possibles suite à l’évaluation : article accepté, article accepté avec demande de modifications mineures, demande de modifications majeures, article rejeté. Le comité scientifique est souverain et ses décisions sont sans appel. Les consignes éditoriales seront communiquées ultérieurement aux auteur.e (s) dont les propositions auront étés retenues.
Calendrier
- Publication de l’appel : 19 décembre 2023
- Réception des résumés : 02 février 2024
- Notification aux auteurs : 15 février 2024
- Réception des textes complets : 30 avril 2024
- Retour des textes aux auteurs : 15 mai 2024
- Réception de la version corrigée : 30 mai 2024
- Publication de l’ouvrage : juin 2024
Comité Scientifique
Président : Pr Philippe Blaise Essomba, Université de Yaoundé 1
Membres :
- Pr Jean Emmanuel Pondi, Université de Yaoundé 2
- Pr Vincent Ntuda Ebodé, Université de Yaoundé 2
- Pr Jean Koufan Menkene, Université de Yaoundé 1
- Pr Antoine Kernen, Université de Lausanne
- Pr Gabriel Maxime Dong Mougnol, Université de Yaoundé 1
- Pr Armand Leka Essomba, Université de Yaoundé 1
- Pr Willibroad Dze Ngwa, Université de Yaoundé 1
- Pr Claude Ernest Kiamba, Université Catholique d’Afrique Centrale
- Pr David Mokam, Université de Ngaoundéré
- Pr Faustin Magellan Kenne, Université de Yaoundé 1
- Pr Max Zachée Saintclair Mbida Onambele, Université de Dschang
- Pr Paul Mvengou Cruzmerino, Université Omar Bongo
- Pr Zakaria Beine, Université de Ndjamena
- Pr Clotaire Messi Menang, Université Omar Bongo
- Pr Joël Narcisse Meyolo, Université de Yaoundé 1
- Pr William Pokam Kamdem, Université de Dschang
- Pr Henri Tedongmo Teko, Université de Yaoundé 1
- Pr Eric Wilson Fofack, Université de Dschang
- Pr Jérémie Diye, Université de Maroua
- Pr Mathieu Jérémie Abena Etoundi, Université de Yaoundé 1
- Pr George Kum Fuh, Université de Yaoundé 1
- Pr Réné Ngek Monteh, Université de Yaoundé 1
- Pr Jules Ambroise Noupoudem, Université de Bertoua
- Pr David Nchinda Keming, Université de Yaoundé 1
- Pr Chamberlain Nenkam, Université de Yaoundé 1
- Pr Petsoko Maturin, Université de Yaoundé 2
- Pr Hans Gilbert Beng Dang, Université d’Ebolowa
- Pr Gérard Deganendi, Université de Bangui
- Pr Norbert Aimé Melingui Ayissi, Université de Douala
Comité de lecture
- Dr Richard Atimniraye Nyelade
- Dr Roland Mulumba
- Dr Georges Etoa Oyono
- Dr Adama Sadio
- Dr Ferdinand Enoka
- Dr Maman Halourou
- Dr Abdoul Djamil
- Dr Michel Fabrice Akono Abina
- Dr Rose Gisèle Ndo’o
- Dr Simplice Ayangma Bonoho
- Dr Giscard Lionel Mbakop Nana
- Dr Aubain Claude Nlate Ndongo
- Dr Christelle Nadège Guedem Noumbi
- Dr Martin-Léandry Nguema Edou
- Dr Ajangson Noutsa Noumbo
- Dr Rodrigue Firmin Babe Adiobo
- Dr Fridolin Omgba Awono
- Dr Francis Romuald Mvo’o
- Dr Daniel Nebeu
- Dr Casimir Tchudjing
- Dr Alex Armelien Gassissou
- Dr Réné Bidias
- Dr Jeanne-Marie Mbarga Messomo
- Dr Félicité Paho Zouatom
- Hans de Marie Heungoup Ngangtcho
Secrétariat
- M. Etienne Valdez Ondoua
- M. Stéphane Akoutou
- M. Ariel Mbem
- M. Valdez Mbida
Responsable du projet : Pr Cyrille Aymard BEKONO, Université de Yaoundé 1
Bibliographie
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